Alltime, le magicien sans voix.

Quelques nuages flottant lentement qui cachaient de temps en temps les chaud rayons de soleil. De légers vents marins venaient doucement caresser la peau des habitants de ce petit village à l'atmosphère tranquille et sereine. Et alors que la vie suivait son cours, on pouvait apercevoir, jaillissant des hautes rues de Clochemer, quelques noires et épaisses fumées venant d'une fenêtre pleinement ouverte. Accompagnant ce sombre spectacle, un bruit de verre cassé se fit entendre jusqu'à plusieurs maisons, plus bas dans le village.

Le jeune homme, le visage noircit par l'explosion de sa mauvaise expérience, ramassait, paniqué, les morceaux de verre de ses alambics et autres fioles désormais réduites en morceaux. Et alors qu'il rassemblait les petits bouts de verre, une voix forte et résonnante se fit entendre au bas des escaliers :

"Aaaaaaaaaaaalltiiiiiiiiime ! Viens ici ! Et de suiiiite !"

Le visage devenant rouge, les yeux déjà humides, il se redressa rapidement, se prit les pieds dans sa robe, retomba face contre plancher, se releva et couru rapidement descendre les marches en bois de son escalier.
Un vieil homme, la barbe bien taillée, le visage autoritaire, l'attendait derrière le comptoir du magasin. Les yeux plissés, les sourcils froncés, son monocle pendant à sa chemise, il lui cria sur un air de reproche :

"Bon sang ! Es-tu incapable de faire tes trucs EN SILENCE ?!
Alltime baissa la tête, trouvant un soudain intérêt aux clous maintenant le plancher.
- Ca va faire au moins trois fois que je te repaie des outils pour tes expériences, dont deux fois avec une fenêtre en plus ! Tu as peut-être hérité du génie de ta mère, mais sa maladresse avec !
Le garçon releva lentement la tête, regardant son père avec des yeux humides et un visage abattu.
Le père soupira avant de lui dire d'un ton plus calme :
- C'est bon, tu es excusé, mais c'est ta dernière chance de garder des outils en bon état. Allez, file.
Le jeune homme lui lança un sourire en guise de pardon et de remerciement. Il jeta un rapide coup d'oeil au comptoir, où il vit une montre à gousset encore en fabrication. Il sortit ensuite sous le bruit des horloges sonnantes et du tic-tac des montres. Alors qu'il commençait à descendre la rue, il perçu un vague crie qui semblait dire "Et tu passeras le balai en rentrant !".

De nouveau le sourire aux lèvres il marcha vers la plage. Il rencontra quelques personnes du village, les saluant de la main au passage. Arrivé sur le sable, il alla se rincer le visage encore noir à l'eau de mer, grimaça à cause du sel qui lui piquait les yeux, et s'essuya enfin avec une manche de sa robe. Bien que l'après-midi voyait le bout, il faisait encore chaud, et avec ce vent marin lui caressant le visage, créant un équilibre parfais entre chaleur et fraicheur, le jeune homme ne put s'empêcher de s'endormir sur le sable, fermant les yeux sous l'ombre de son chapeau.




Il ne sentait plus la chaleur des rayons lui réchauffer le visage et le sable se faisait frais entre ses doigts. Il se releva brusquement, voyant que le soleil venait de se coucher, les premières étoiles apparaissant dans le ciel. Un peu perplexe il se gratta la joue avant de se relever et de retirer le sable sur sa robe. Il rentra doucement chez lui, traversant une nouvelle fois le village, les rues déjà vides. Arrivée chez lui, il soupira de paresse, voyant le balai posé près de la porte d'entrée de l'horlogerie et les morceaux de vitres encore à terre. Il exécuta sa tâche à la va-vite et rentra pour fermer la porte à clef. Le noir avait envahi la pièce, et l'on pouvait encore entendre le cliquetis des mécanismes des horloges un peu partout disséminées dans la pièce.
Soudain, il entendit la voix de son père s'élever d'une autre pièce de la maison. Le son le mena jusqu'à l'atelier du vieil horloger où il pouvait voir la lumière passer sous la porte. Il la poussa très doucement pour passer une tête furtive et vit son père, seul, parlant à voix haute à lui-même, une grande toile à peinture entre les mains.
Il reconnu le portrait de sa mère peint sur la toile. Voyant cela, il entra dans l'atelier. Son père se retourna, une larme à l'oeil et l'accueilli avec un sourire réconfortant :

"Voilà bien trop de temps qu'elle est parti. J'ai mis toute ma confiance en elle, et je ne regrette pas de l'avoir laissé partir. Elle devait faire ce qu'elle avait à faire. Sinon elle n'aurait jamais pu vivre sainement sa vie. Elle t'aimait et t'apprit la base de ce qu'elle savait. Tu as le même génie qu'elle en plus de lui ressembler.
Nous pouvons la ramener, mais il faudra la trouver. Mais je suis certain que tu peux la retrouver, l'aider dans sa tâche, et revenir ici, avec elle.
Je sais que tu n'es pas fait pour être horloger mais fait pour vivre comme ta mère l'avait toujours fait avant que tu ne viennes au monde : libre comme le vent. Et non réglé comme une mécanique d'horloge. Il rit, lui prit son chapeau de magicien pour l'épousseter et lui remit sur la tête.
Tiens, viens, je dois te montrer quelque chose.


Le vieil horloger se leva de son tabouret et conduisit son fils vers une porte au fond de son atelier. Ils pénétrèrent dans une pièce que le jeune homme n'avait encore jamais vu. Le vieil artisan prit sa lanterne et illumina la pièce en s'y plaçant en son milieu. C'était une salle moyenne, les murs couverts de grandes étagères, celles-ci pleines de livres plus ou moins poussiéreux.
Le jeune magicien ouvrit de grands yeux, impressionné par toute ce savoir qui était depuis tout ce temps enfermé sous son propre plancher.

"Prends-en quelques uns, ce devrait probablement te servir."

Mais lesquels choisir parmi ces milliers d'ouvrages ? Jamais il n'eut aussi soif de connaissances et se voyait déjà y rester plusieurs jours à lire sans relâche.
Son père posa la lampe à terre :

"Fais ton choix, tu as la nuit pour réfléchir, à moins que tu veuilles plus partir"

D'un rire fatigué, il le salua brièvement avant de quitter la pièce à peine éclairée.




La douce lumière du matin passait à travers les petites fenêtre, ne laissant entrer que quelques rayons et éclairant sombrement la pièce. Alltime se réveilla doucement, sortant la tête du tas de livres sous lequel il dormait. Ce dernier lui rappela les événements de la veille et décida de ne pas décevoir son paternel. De plus, il voulait se prouver qu'il pourrait faire face à n'importe quel danger, et devenir un bon magicien.
Il remonta dans sa chambre, entassa quelques trucs utiles à son voyage dans son baluchon, attacha quelques livres au bâton qui le portait et sortit rapidement de chez lui, déterminé à prendre la route. Une voix l'arrêta :

"Tu pourrais dire au revoir à ton paternel, au moins !"
Il s'approcha de lui
"Tiens, prend ça"
Il lui tendit une montre à gousset
"Je ne veux pas me rendre complètement inutile. Et c'est toujours un avantage de connaître le temps, et pour n'importe quoi."
Il sourit
Maintenant, va, nous voulons tous les deux la revoir. Et je suis sûr que ce voyage fera de toi un grand magicien !
Il lui donna une dernière tape amicale sur l'épaule avant de le regarder s'en aller.

Ainsi, un jeune magicien, une intelligence muette, prit la route, et devint, ce que l'on appelle parfois, un aventurier.