Les contes d'Eladriell

C'était une matinée comme les autres dans la forêt de Celin'taur : l'aube commençait à pointer, annonciatrice d'une nouvelle belle journée de printemps et les oiseaux chantaient leur contentement. Réveillé par cette douce mélopée, un jeune homme assoupi au coeur de la forêt engagea un combat intense avec son couchage afin de se lever. Du haut de son mètre quatre-vingt, il jeta un regard noir en direction des feuillages, puis se dirigea d'un pas nonchalant vers le cours d'eau le plus proche, la rosée encore fraiche sur ses pieds nus l'aidant à sortir de sa torpeur. Sa silhouette était plutôt fine, bien qu'athlétique. Les rayons matinaux renvoyaient des reflets bleutés sur sa longue chevelure grise nouée en queue de cheval. Son visage, fin et lisse, sans traits particuliers n'était pas vraiment beau, mais de ses yeux d'un bleu profond se dégageait un charme indéniable. Il arriva devant le cours d'eau et s'accroupit afin d'étudier son reflet. Il eu une moue réprobatrice en constatant que les cernes sous ses yeux avaient encore empirées, et maudit son maître intérieurement. Alors qu'il se rinçait le visage, il essaya de se remémorer les évènements qui l'avaient conduits à suivre cet elfe. En vain, comme toujours. Son dernier souvenir remontait à son réveil dans la cabine d'un bateau, son maître veillant alors à ses côtés. Une fois arrivé à terre, il lui avait offert le gîte et le couvert, puis lui avait proposé de le suivre afin de lui dispenser ses enseignements. Sans vraiment en connaître la raison, et sans savoir qui il était ni d'où il venait, le jeune garçon avait accepté sans hésiter.

C'est ainsi que cette journée commença, et allait se poursuivre selon la même routine établie depuis déjà plusieurs années. La matinée serait consacrée à l'entrainement martial, l'après-midi à discuter des cultures, de l'histoire et de la philosophie des régions qu'ils traversaient, et le soir à l'étude de la magie, de l'alchimie et d'encore bien d'autres sciences.

De retour au camp, il enfila ses vêtements en toile, puis sa veste en cuir en prenant soin de n'oublier aucune attache, ses tassettes et enfin ses brassards. Il détestait porter ses tassettes, mais l'unique fois où il avait eu le malheur de refuser de les porter durant l'entrainement lui avait suffit : le maître lui avait fait comprendre douloureusement que lors d'un combat, une jambe blessée équivalait à une mort certaine.

Une fois l'armure enfilée avec force grognements, il alla ramasser son épée courte, posée non loin de son couchage et la sorti de son fourreau afin de l'affûter. Il ne pu réprimer un sourire en entendant le son du frottement de l'acier contre le cuir : la culture elfique était gouvernée par la musique et le chant, et cela s'appliquait même à leur armement. Après quelques secondes, il laissa de nouveau ses pensées vagabonder alors que la pierre faisait des aller-retours le long du fil en suivant avec précision les formes de la lame courbe.

S'il n'en savait pas beaucoup sur lui-même, il n'en savait pas plus sur son maître. Il devait être une sorte d'érudit, mais était également un combattant hors pair. Partout où il allait les gens semblaient le respecter, parfois même le révérer, bien qu'il prenait toujours soin de dissimuler sa nature elfique. Un jour, le jeune garçon lui avait demandé pourquoi, et l'elfe lui avait répondu que les siens avaient quittés ces terres voilà bien longtemps en ne laissant qu'une poignée derrière eux, car leur temps ici était révolu. Leur existence avait même disparue des légendes, et cela leur permettait d'accomplir leur rôle dans l'anonymat. Il n'en avait pas dit plus au sujet de leur 'rôle', mais il avait ajouté que chaque elfe restant, durant le dernier siècle de son espérance de vie, devait choisir un apprenti afin de lui transmettre tout son savoir, de façon à ce que le nombre d'elfe arpentant les terres d'Ezur reste inchangé. Malheureusement, la reproduction chez les elfes étant un processus très long et incertain, il leur devenait de plus en plus difficile de donner naissance à suffisamment de jeunes elfes afin de prendre leur place, et c'est pourquoi il leur arrivait de choisir leurs apprentis parmi les autres races possédant une longévité suffisante pour apprendre et transmettre le savoir elfique.

Voilà l'unique indice qu'il avait réussit à obtenir sur ses origines, et ce n'était pourtant pas faute d'avoir essayé. A chaque fois son maître lui répondait qu'il saurait tout le moment venu, qu'il devait pour le moment se concentrer sur son apprentissage. Il commençait à trouver le temps long.